Salut, c'est moi
C'est drôle : dans la perspective de ne rien vous cacher, je suis forcé(e) de gommer à vos yeux bien des caractéristiques naturelles et sociales constitutives (de manière aiguë) de ma personne. Pour commencer, je m'exprimerai ici au masculin ; mais, en théorie, je n'utiliserai ce masculin que "par défaut". Le masculin grammatical, c'est la langue de l'individu neutre, la langue de la pensée, et peut-être - mais je n'éclaircirai pas ce point - la langue de l'homme que je suis.
En fait, à travers ma réticence envers le genre, vous pouvez déjà percevoir la pulsion intellectuelle et mystique qui m'anime : je voudrais n'être ni homme, ni femme, ni riche, ni pauvre, ni beau, ni laid, ni intelligent, ni stupide... Pour pouvoir réfléchir librement, couper court à toute détermination facile de ma sensibilité.
Au fond, je ne sais pas si mes conclusions en seraient davantage empreintes de vérité. Je suis, à bien des égards, un instinctif : je crois qu'il y a des vérités humaines que l'on ne peut sentir au plus près que dans ses tripes (tripes d'homme, femme, riche, pauvre, laideron, etc). L'anonymat n'a donc pas grand sens au regard de mon projet d'élucidation du sens de la vie.
Mais ça reste ma posture de départ. Si besoin est (et besoin y aura), je m'effeuillerai peu à peu de mes masques successifs pour révéler tout ce qui a nourri et limité ma pensée, et qui l'a limitée dès ma naissance. Peut-être mes (rares ?) lecteurs auront-ils déjà, avec une pertinence dont je ne doute pas, pressenti ce que je suis.
C'est un jeu pas tout à fait frivole.
De toute façon, le but de la démarche n'est pas d'entraîner autrui à se tendre vers Moi. J'espère, à travers une opération d'alchimie philosophique, tirer la substance du goutte-à-goutte émotionnel dont je suis le siège et la restituer ici - mais sans brandir perpétuellement une image de mon individualité. Ma vérité est celle de tous, à 90%. - J'ai toujours trouvé aux statistiques une éloquence toute singulière dans l'expression des rapports d'importance entre deux notions. En particulier - même si c'est en désespoir de cause - lorsqu'il s'agit de hiérarchiser les termes d'un raisonnement dialectique, ici la tension "singularité/universalité". On n'est jamais si singuliers que ça, en somme. Même s'il y en a, comme moi, que ça chiffonne, parce qu'on ne les a jamais valorisés pour ce qu'ils étaient susceptibles d'apporter à la communauté, simplement, sans hiérarchisation ou individualisation de leur tâche par rapport à d'autres. Non, on les a valorisés pour leur manière de faire mieux, différemment du commun des élèves. Excitation de la vanité, ou conception occidentale de l'excellence comme de ce qui se détache, de ce qui surplombe le collectif ?
Bref, au fond, on reste un exemplaire de l'humanité parmi d'autres, tant d'autres et ça ne sert à rien d'accorder une importance exagérée aux bons points qu'on a pu recevoir dans son enfance. L'on ne peut que se faire du mal, par le constat quotidien qu'ils n'avaient de valeur que dans un contexte relativement étriqué. Par exemple, un beau verbe n'aide pas forcément à la séduction, ce n'est pas vrai. Tant cette faculté humiliante (pour l'autre) compte peu au regard de tout ce qui se joue dans la séduction.
J'en ai déjà pour trop dit pour rester un anonyme, un vrai... Bouh.
